Autour des serres

Vers 7h45

Quelle journée déplaisante annonçait ce mauvais temps... Lloyd en était particulièrement affecté. Ce matin il avait eu du mal à se lever, le soleil n'étant pas là pour l'aider à garder les yeux ouverts. Le fait que le premier cours de la journée ait lieu dehors ne l'enthousiasmait pas tellement aux vues du ciel couvert. Il avait pourtant, comme à son habitude de bon élève, mis le pied hors du lit avant tous ses petits camarades de chambre. Même Gregory et Sylver ronflaient encore au moment ou le blondinet enfilait ses vêtement. Au moment du déjeuner ils l'avaient néanmoins rejoint. Ce curieux de Sylver l'avait interrogé sur ses fréquentations féminines, l'ayant remarqué deux ou trois fois en compagnie d'une troisième année. Mais Lloyd préférait rester discret de ce côté là. Il n'avait jamais été vantard ou particulièrement fier vis-à-vis de ses relations. Et puis... il était toujours mal à l'aise quant à la façon dont les choses s'étaient déroulées avec Gwendoline.

Justement ! En arrivant à proximité des serres, un quart d'heure en avance, il tomba devant-elle. Elle ne le voyait pas, elle lui tournait le dos et il avait dû être assez silencieux pour ne pas se faire remarquer. Lloyd réfléchit à deux fois avant de s'enfuir discrètement. Courageux il l'était, alors il prit une inspiration mesurée qui lui gonfla la poitrine et se dirigea vers elle, le regard neutre.

Salut Gwen. Toujours en avance hein ?

Il n'avait jamais compris pourquoi elle était toujours si pressée de commencer les cours. Etrangement il n'avait jamais pu partager le moindre petite déjeuner avec elle, puisqu'elle ne se montrait jamais dans la grande salle hormis le soir ou pendant les pause de la journée. Il avait dû oublier qu'il tomberait forcément sur elle en se pointant plus tôt que l'heure de début du cours. En tout cas il comptait bien jouer la carte du "comme si de rien n'était".

Il aurait été impossible de ne pas voir les yeux de Gwendoline virer au noir tant c'était intense. Sa colère n'avait visiblement pas diminué depuis leur dernière entrevue, même si elle était tout de même contrôlée si on comparait sa réaction actuelle à celle qu'elle avait pu avoir le jour où elle l'avait surpris au crochet d'une autre élève. Evidemment, il avait compris et tenté de se rattraper. Mais comment expliquer à une fille furieuse que ce n'est pas contre elle et que tout ce qu'elle voit n'est pas aussi simple que ce que ça semble signifier ? Résultat, Lloyd n'avait pas su apaiser Gwendoline et il avait préféré continuer de l'ignorer jusqu'à aujourd'hui. La phrase qu'elle lui lança sans même le regarder lui donna la chaire de poule. Ca n'était pas dans ses habitudes de prendre l'éruptif par la corne* et ça n'était pas maintenant qu'il allait s'opposer à l'avis tranché de sa camarade. Il se sentait bégayer un semblant de réponse  

Je ne... Par... pardon.

Mais ses murmures furent interrompus par la venue d'Alice. Son arrivée redonna à Lloyd presque toute sa contenance. Il se redressa et ferma sa bouche. Il aurait bien salué sa chère amie mais ça aurait été déplacé de nier le problème une nouvelle fois. Il se contenta de lui lancer un regard, peut-être un peu plaintif, en espérant qu'Alice puisse le sortir de ce pétrin dans lequel il s'enfonçait chaque seconde un peu plus. Néanmoins, une phrase courte et simple de sa part lui indiqua une fois pour toute qu'il ne recevrait aucune aide de sa part. Peut-être était-ce sa façon à elle de dire que Lloyd avait bel et bien fauté et qu'il devait se faire pardonner. Le blond fit la moue en direction d'Alice, comme pour attester du fait qu'elle avait raison mais que ça ne l'aidait pas plus. Puis il s'adressa à Gwendoline bien qu'elle l'ignorait toujours.

Il faut qu'on parle de ce qui a pu se passer ces dernières semaines. J'ai été idiot de te fuir comme ça, Gwen. Il est temps qu'on mette les choses à plat. Mais pour ça... il faut que tu veuilles m'écouter au moins.

Ce fut ferme, mais pas trop. Peut-être que le regard insistant d'Alice l'avait finalement aidé.

Lloyd était sauvé ! Alice jouait les arbitres objectifs au lieu de choisir un camp. Bien qu'il ne lui en aurait pas voulu de préférer aider Gwendoline, il était bien content qu'elle fasse preuve de plus d'impartialité en jugeant bon de les voir se réconcilier le plus vite possible mais surtout le plus calmement possible. Le blond n'était pas un nerveux, mais il avait un peu appris à connaitre sa camarade et il pouvait avoir la certitude qu'elle, au contraire, était plutôt du genre à se laisser dominer par sa colère. Alice saurait certainement l'apaiser, il comptait là-dessus. Peut-être un peu trop d'ailleurs. Il ne se risqua même pas à hôcher la tête pour acquiescer la proposition de la jumelle de peur que Gwendoline ne se sente attaquer, seule contre deux. Il vit même son regard s'assombrir envers Alice puis rapidement se détendre... ouf. Ca avait fonctionné. Gwendoline avait même pris la peine de s'approcher du garçon pour lui adresser la parole. Il apprécia l'effort, mais se faisait toujours aussi petit. Le fait qu'elle l'évite du regard lui donnait l'opportunité de la regarder. Ca lui était plus facile comme ça. Sa phrase suspendue et reprit par la suite le mis légèrement mal à l'aise. Elle avait tous les droits d'être en colère. Peut-être même qu'elle avait été triste ? Il se racla la gorge avant de prendre la parole puisqu'elle acceptait de l'écouter.

T'as raison... c'était injuste de ma part d'agir comme ça. J'ai pas réfléchi à tout c'que ça pouvait avoir comme conséquences et maintenant j'm'en rend compte. C'est pour ça que j'suis là.

Bien.. il amorçait doucement le sujet, pour mettre Gwendoline en confiance. Néanmoins il n'était plus très sûr d'être près à dire ce qu'il avait voulu dire. Il lança un regard de détresse à Alice, mais elle ne pourrait pas lui sauver la mise à chaque fois. Alors il pris son courage à deux mains.

J'aurai préféré éviter ce gâchis, si j'avais pu. C'est que...

Il allait enfin le dire, il allait avouer que cette relation entre Gwen et lui, relation qui évoluait à la fois lentement et rapidement, l'effrayait au plus haut point du fait qu'il n'ai jamais trop expérimenté ce genre de sentiment. Sauf que la présence d'Alice le rebutait un peu. A vrai dire, il ne lui avait même pas annoncé à elle non plus. Elle était pourtant son amie proche, sûrement l'amie avec qui il était le plus proche même. Mais il n'avait pu se confier quant à ce qu'il ressentait pour Gwendoline. Il préférait le cacher, le nier et le refouler en lui, pour éviter d'avoir à affronter cet inconnu. Il tourna alors la tête vers Alice et se mordit les lèvres.

Je suis désolé mais je ne peux pas parler de ça comme ça, de manière aussi peu intime. J'ai besoin d'encore un peu de temps.

Il ne regardait plus personne en disant cela. Il regardait le sol tandis que ses mains s'agitaient dans tous les sens. Il était devenu nerveux à l'idée de se dévoiler. Les yeux plissé il s'en voulait intérieurement de ne pas franchir le pas. Quel manque de culot. Il releva alors la tête, ignora les deux filles, et passa devant-elles pour rejoindre la salle de classe où les élèves commençaient à s'installer. Lâche. C'était bien la seule situation dans laquelle Lloyd avait été lâche.