[Habitation] - Dìomhair

Emily était à peine sortie du pub nommé « La tête du sanglier » qu’elle sentit la main de Jerôme se refermer sur son avant-bras. Après cela, elle fut emportée dans un tourbillon et eu cette impression très désagréable d’être compressée. Depuis son accident, elle avait été escortée par transplanage à plus d’une reprise, notamment pour être accompagnée à l’hôpital Sainte-Mangouste, mais elle n’avait jamais apprécié cette sensation qui s’emparait d’elle. Lorsqu’elle put à nouveau respirer normalement, elle vit qu’elle se trouvait face à une grande bâtisse aux murs grisonnants. Tournant sa tête de gauche à droite pour savoir si elle connaissait l’endroit dans lequel elle venait d’apparaitre, elle se rendit bien vite compte que ce n’était pas le cas. Emily en avait presque oublié la présence de Jerôme. Elle posa rapidement son regard sur lui lorsqu’il prit la parole pour dire qu’il n’avait rien trouvé de mieux, puis elle glissa ses yeux sur la maison qui lui faisait face.

« C'est chez moi. » annonça Jerôme.

Emily ne cacha pas sa surprise d’avoir été amenée chez lui, mais cela vint confirmer l’hypothèse qu’elle avait faite concernant l’homme : il n’avait ni femme ni enfants. Du moins, c’est ce qu’elle en déduisit en voyant qu’aucune lumière n’était allumée au sein de la maison. Peut-être avait-il une ex-femme et des enfants qui ne vivaient pas avec lui... Arrêtant de se questionner sur la vie sentimentale du quarantenaire, la rousse cessa d’observer la bâtisse pour poser ses yeux sur Jerôme. Elle glissa ses mains dans les poches de sa cape et, tout en souriant, elle lâcha :

« Je vois... Et qu’attendons-nous pour rentrer ? »

Elle en venait à se demander si l’employé du Ministère n’avait pas simplement voulu la faire sortir au plus vite du pub, et qu’il n’avait aucun intention réelle de la faire entrer chez lui... Mais elle en doutait, car si cela avait été le cas, il aurait très bien pu transplaner devant les grilles de Poudlard et s’assurer qu’Emily rentre bien au Château. Il aurait également pu l’emmener dans un autre bar, pour qu’ils puissent s’y attarder sans risquer que la rousse se fasse attaquer. Par pure curiosité, elle se demandait à quoi pouvait bien ressembler l’intérieur de la maison de Jerôme. S’il lui annonçait qu’au final, il n’avait pas réellement envie de l’inviter à entrer chez lui, la bibliothécaire se trouverait dans de beaux draps : ne sachant plus transplaner -son permis lui ayant été retiré suite à son accident- elle devrait rejoindre Poudlard par la voie des airs ou celle des conduits de cheminée, ce qui était plus facile à dire qu’à faire...

Emily fut intérieurement amusée par la manière dont Jerôme semblait être déstabilisé. Il était vrai qu'il était étrange qu'ils s'apprêtent tous deux à pénétrer dans l'antre du sorcier au vu de la manière dont avait débuté la soirée, mais le fait était que la révélation qu'avait eue la rousse avait changé sa manière de voir les choses... Cette révélation, c'était celle selon laquelle personne ne serait affecté s'il lui arrivait quelque chose. L'employé du Ministère avait évoqué un bon point en disant que cela déclencherait une guerre, mais Emily avait cette nette impression que la guerre avait déjà débuté, et qu'elle ne tarderait pas, quoiqu'il arrive, à éclater au grand jour. La rousse pensait également que Jerôme ne lui ferait jamais de mal, peu importe à quel point ses idéaux étaient différents des siens. Etait-il un membre du groupuscule en pleine expansion ? Elle en doutait, car si cela avait été le cas, il ne l'aurait pas amenée chez lui, mais dans un lieu où il pourrait se débarrasser d'elle, ou la garder emprisonnée pour une raison ou pour une autre. Telles étaient les hypothèses de la jeune femme.

Avant d'entrer dans la maison, elle avait cependant jeté un bref regard à travers la porte. Elle n'y voyait pas grand chose, le hall était encore plongé dans le noir. Ce n'est que lorsqu'elle franchit le pas de la porte que la lumière s'alluma, lui dévoilant une entrée vide de toutes personnes. Les yeux d'Emily mirent quelques secondes à s'habituer à la luminosité soudaine. Observant l'endroit, elle entendit Jerôme lui proposer une boisson, mais elle ne vit pas se glisser dans la cuisine. Laissant la question sans réponse un instant, elle s'approcha de la porte et s'arrêta dans l'encadrement. S'appuyant contre le montant de bois, les mains toujours glissées dans les poches de sa cape, elle parcourut de ses yeux la pièce dans laquelle l'homme se trouvait. Ce n'est qu'après un instant qu'elle glissa son regard sur le sorcier qui était occupé à se servir un verre. C'est alors qu'il reprit la parole, annonçant qu'il n'avait pas de "Passion Vampirique". Il s'agissait de l'alcool qu'Emily avait bu lors de leur première rencontre. Après avoir éclaté d'un charmant rire mélodieux, la rousse déclara :

"Je ne bois jamais plus d'un verre de vin rouge le samedi soir, mais étant donné que je n'ai pas eu l'occasion de le savourer ce soir comme je le fais en temps normal, ce ne serait pas de refus si vous pouviez m'en servir un verre... Mais si vous n'en avez pas, je me contenterai de boire la même chose que vous !"

Elle espérait qu'il ait du vin, et que celui qu'il lui servirait serait fruité : plus il l'était, plus elle l'appréciait ! De ce qu'elle avait pu en déduire, la boisson qu'il était en train de se servir était du Whisky pur Feu. Avec cette boisson-là, Emily avait toujours un peu de peine lors des premières gorgées, mais elle finissait toujours par l'apprécier à sa juste valeur. La rousse se détacha du montant de porte et s'approcha d'une chaise, retirant sa cape tout en s'avançant. Déposant le tissu gris sur le dossier d'une chaise, elle resta debout derrière celle-ci. Elle ramena ensuite de ses deux mains sa chevelure en avant, de part et d'autres de son cou. Une fois ses longs cheveux flamboyants mis en place, elle posa sa main droite sur son avant-bras gauche tout en attendant patiemment que Jerôme lui serve un verre. La robe d'Emily lui allait à ravir, épousant ses formes à la perfection. Elle se demandait ce que l'employé du Ministère portait sous sa cape...

HRP:

Au plus grand plaisir d'Emily, Jerôme avait du vin rouge. Elle le regarda en silence lui servir un verre et, lorsqu'il retira sa cape, elle s'attarda un instant à tenter de deviner s'il était aussi musclé qu'il semblait l'être. Lorsqu'il l'invita à s'asseoir, elle cessa de fantasmer et elle ne se fit pas prier. Tirant la chaise sur laquelle était posée sa cape, elle s'y installa, croisant ses jambes sous la table. Trop occupée à prendre place, elle n'avait pas remarqué que l'homme la passait visuellement au crible, mais elle s'en douta lorsque, en reposant son regard sur lui, elle vit qu'il relevait les yeux, aussi innocent qu'un bambin au visage angélique. Souriant simplement, elle ne fit aucune remarque. Après tout, elle-même avait profité du spectacle, alors elle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir de faire de même.

"Pourquoi essayez-vous de me faire croire que les hommes ne vous courtisent que rarement ? Il suffit de voir de quelle façon vous vous mettez en valeur pour simplement boire un verre seule le vendredi soir..."

Emily sentit ses joues rougir. Elle n'était pas déstabilisée, loin de là, mais le compliment la touchait. Attrapant son verre, elle fit tourner un instant le liquide à l'intérieur tout en l'observant et, après un instant, elle but une gorgée. Elle trouvait ce vin français très bon, et elle le fit savoir par un sourire de satisfaction. Reposant la boisson alcoolisée sur la table, elle croisa ses bras, se penchant légèrement en direction de Jerôme et elle le fixa longuement avant de laisser ses lèvres s'étirer, souriant d'une manière mi-provocatrice, mi-amusée. Elle prit alors la parole de sa douce voix, celle qu'elle utilisait lorsqu'elle parlait à un élève dans la bibliothèque :

"Je ne savais pas que je vous troublais au point de vous faire oublier le jour que nous sommes... Mais sachez que je ne fais pas particulièrement d'efforts vestimentaires simplement parce que nous sommes samedi soir ; j'aime juste les belles choses..."

Sa dernière phrase ne concernait pas uniquement les vêtements ; la jeune femme, même si elle ne l'avouerait jamais de vive voix, était très attachée au physique. Elle n'avait jamais réussi à avoir une relation charnelle avec une personne qui ne lui plaisait pas physiquement. Bien que la gentillesse, l'intelligence et toutes les autres choses de ce genre soient également importantes à ses yeux, l'aspect physique était sans doute son critère numéro un. Elle espérait que Jerôme ne prenne pas trop à coeur ce qu'elle venait de dire... Certains auraient pu s'offusquer de voir leur erreur être ainsi moquée, mais elle avait l'impression que le sorcier ne faisait pas partie de ces gens. Emily but une nouvelle gorgée tout en regardant l'homme par dessus son verre et, une fois qu'elle eut reposé ce dernier, elle croisa à nouveau ses bras. Elle commençait à ressentir les effets de l'alcool : sans doute cela était-il dû à la vitesse à laquelle elle avait dû boire son premier verre de vin.

"Mais merci du compliment... ! Sinon... Dites-moi ; comment cela se fait-il que vous ne soyez pas marié ? Je veux dire... Un homme aussi charmant que vous doit sans doute faire frémir plus d'une femme... Mais peut-être est-ce simplement parce que vous êtes un homme compliqué à satisfaire ?" demanda-t-elle tout en penchant très légèrement sa tête sur le côté, un vague sourire aux lèvres.

Jerôme n’avait apparemment pas été offusqué par la manière dont Emily avait ri de son erreur, étant donné qu’il se contenta de répondre que le temps passait vite. La rousse sourit en entendant cela, doutant intérieurement que la vitesse du temps soit réellement à l’origine de confusion ; à ses yeux, il avait tout simplement été la victime d’une inadvertance passagère. Répondant à ce que lui avait dit son interlocutrice, l’employé du ministère avoua qu’elle avait bon goût. Ne sachant pas s’il avait compris que ses paroles ne se rapportaient pas uniquement à ses goûts vestimentaires, Emily ne s’attarda pas sur cette partie-là de la conversation. Elle, ce qui l’intéressait le plus, c’était qu’il réponde à sa dernière question. Et cela ne tarda pas :

« Frémir, ça oui. Et en fait ça me suffit amplement. Vous voyez, je ne suis pas difficile à combler. »

Comme souvent, ses paroles furent mystérieuses, quoique parfaitement compréhensibles. Il n’était pas rattaché à une femme, de quelque manière que ce soit, et cela convenait parfaitement à la demoiselle. S’il y avait bien une chose qu’elle ne ferait jamais, c’était d’engager une relation charnelle avec un homme déjà « pris ». D’ailleurs, Emily s’était permise de provoquer Jerôme à plus d’une reprise sans avoir le coeur net quant à sa situation relationnelle : elle s’était basée sur son instinct et, de toutes évidences, elle ne s’était pas trompée. Un sourire entendu se dessina au coin droite de ses lèvres. Elle le dissimula derrière son verre pour boire une gorgée de son contenu. Tandis qu’elle se désaltérait, le sorcier lui posa une question :

« Quel âge avez-vous, Emily ? »

Se remémorant leur dernière rencontre, elle se souvint que Jerôme lui donnait « au moins 26 ans ». Elle se rappela également qu’il n’avait pas pour habitude de courtiser des femmes n’étant pas dans sa tranche d’âge. Physiquement, l’homme semblait avoir entre trente-trois et trente-sept ans, mais il n’était pas rare qu’après trente ans les sorciers soient plus âgés qu’ils ne semblaient l’être : autant dire qu’avec une demoiselle de vingt-et-un ans, l’employé du ministère était loin de « sa tranche d’âge ». Emily remit son verre à sa place initiale puis posa ses coudes sur la table pour entrelacer ses doigts au niveau de son visage. Elle déposa ensuite son menton sur ses mains et laissa un sourire radieux étirer ses lèvres sans pour autant découvrir ses dents blanches. De son éternelle douce voix, elle lâcha :

« Si vous pensez toujours que j’ai vingt-six ans, alors sachez que j’ai cinq ans de moins que vous ne le croyez. J’imagine que vous devez avoir environ une quarantaine d’années, même si vous ne les faites pas, et, si mes approximations sont correctes, permettez-moi de vous faire remarquer que vous vous êtes bien éloigné de la tranche d’âge à laquelle vous vous cantonnez habituellement. Du moins... D’après ce que vous m’avez dit la dernière fois. »

Contrairement à ce que beaucoup de gens croyaient, Emily la première, la jeune femme avait, pour une grande partie des choses, une bonne mémoire. Une mémoire étonnante d’ailleurs : en un temps record, elle avait réussi à réapprendre la plupart des choses « apprenables » qu’elle avait oubliées suite à son accident. Certes, cela avait demandé un entrainement monstrueux, mais depuis quelques mois maintenant, elle n’oubliait plus que quelques détails souvent sans importance. Croisant les bras devant elle, Emily lança à Jerôme un regard d’une insolence attrayante. Sa remarque était totalement déplacée, et elle le savait. Elle n’avait pas à juger l’homme sur cet aspect-là de sa vie privée. Pour bien faire comprendre que le jeu était ouvert, elle lâcha :

« Vous l’aurez compris : j’ai toute la vie devant moi. Prendre du bon temps est ma priorité... Par simple curiosité : quel âge avez-vous ? Même si, au final... L'âge n'est qu'un chiffre et n'a pas réellement d'importance... »

Emily ne ressentait pas le besoin de mentir sur son âge. Elle se rendait bien évidemment compte que rajouter une dizaine d’années à l’âge qu’elle avait aurait été une manière d’éviter pour sûr que Jerôme cesse d’être réceptif aux charmes qu’elle lui faisait... Mais même si elle avait voulu mentir, elle n’aurait pas été capable de le faire correctement. Quoiqu’il en soit, elle n’avait pas l’impression qu’il lui était nécessaire de cacher son âge véritable, et c’est donc sans hésiter qu’elle l’avait dévoilé. En attendant la réponse de l’homme, elle s’était mise à siroter tranquillement sa boisson dont elle venait gentiment mais sûrement à bout. Elle vit s’inscrire sur le visage de son interlocuteur un sourire qui laissait comprendre que le message qu’Emily avait voulu faire passer lors de sa dernière prise de parole n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd. En avalant sa dernière gorgée, elle reposa son verre, le suivant des yeux, tout en se mettant à sourire à son tour. Relevant un regard qui aurait fait flancher n’importe qui, elle entendit Jerôme lui répondre :

« Vous en êtes proche. Les quarante-deux bougies ont été soufflées. »

Accueillant cette annonce d’un bref hochement de tête et d’un sourire en coin, elle ne montra aucune forme de surprise. Bien qu’il ait deux ans de plus que l’âge maximum qu’elle lui aurait donné, comme elle l’avait fait comprendre auparavant, pour elle il ne s’agissait que d’un chiffre sans signification particulière. Elle avait fait la connaissance de sorciers ayant plus de la trentaine et étant aussi immatures que des adolescents en pleine crise identitaire tout comme il lui était arrivé de rencontrer des jeunes d’à peine seize ans plus matures que certains adultes qu’elle connaissait. Jerôme ne faisait pas son âge et, avons-le, il aurait pu être le fantasme de plus d’une adolescente de Poudlard s’il avait enseigner au Château. Son sourire craquant, ses yeux hypnotisants et sa musculature apparente ne laissaient de loin pas Emily insensible. D’ailleurs, son regard s’était perdu dans la contemplation des épaules musclées de l’homme qui se devinaient aisément sous sa chemise blanche.

« ... j’imagine ... que vous n'avez pas non plus d'attache avec qui que ce soit ... »

Sortant de sa torpeur, Emily se rendit compte qu’elle avait tant été happée par ses fantasmes les plus fous qu’elle en avait raté la moitié des paroles de Jerôme. Heureusement, elle avait entendu l’essentiel : juste assez pour ne pas répondre à côté de la question. Elle dut se faire violence pour détacher ses yeux qui se promenaient encore sur les bras de l’homme et pour les poser sur son visage. A vrai dire, elle avait presque commencé à parler avant même d’avoir réussi à se reprendre. Son égarement passager pouvait sans doute être excusé par la fatigue ou une profonde réflexion, car il n’était pas rare qu’elle fixe ainsi une chose pendant de longues secondes sans vraiment la regarder.  Elle n’avait même pas encore répondu que l’homme, qui semblait être tout aussi observateur qu’elle, à en juger par la valse produite par son regard, recommençait déjà à parler

« Je m'excuse de vous avoir arrachée à votre table auprès du feu, mais je dois avouer qu'avoir de la compagnie ici est plutôt agréable. Mais j'imagine que le Directeur de Poudlard n'a pas l'habitude de vous savoir dehors le week-end. Est-ce qu'il va... s'inquiéter ? »

Le doux sourire d’Emily s’accentuait au fil des mots prononcés par l’employé du Ministère. Quand il eut achevé sa prise de parole par une question, elle éclata d’un rire mélodieux qu’elle étouffa derrière sa main. Lorsqu’elle retira cette dernière, elle laissa apparaître un sourire amusé. Croyait-il réellement que le Directeur s’inquiétait de savoir où dormaient les membres du personnel de Poudlard ? Il était vrai qu’ils avaient à leur disposition des appartements pour ne pas avoir à voyager matin et soir, mais tant qu’ils faisaient leur travail, Monsieur McCormack n’avait pas réellement de raison pour interdire à ses employés de dormir ailleurs qu’au sein du Château. Voyant que son verre ne contenait plus qu’un fond de vin, elle l’attrapa et le vida de son contenu. Son verre vide en main, elle se leva et traversa la cuisine, accompagnée du doux son provoqué par ses talons rencontrant le sol à chacun de ses pas. Attrapant la bouteille à peine entamée, elle se tourna de manière théâtrale vers Jerôme et demanda :

« Puis-je ? » et, sans même attendre de réponse, elle se servit tout en disant : « Je pensais que vous aurez compris que j’étais seule lorsque je vous ai dit que personne ne serait affecté dans le cas où il m’arrivait quelque chose. A vrai dire, vous êtes le premier depuis longtemps à vous inquiéter pour moi... Et je déteste cela autant que je l’apprécie. »

Elle avait parlé tout en fixant son verre en plein processus de remplissage. Laissant cette phrase étrange en suspens elle cessa de faire couler le liquide rouge et redressa la bouteille. Elle posa cette dernière derrière elle puis elle appuya ses fesses contre le plan de travail, observant de son presque-perchoir l’homme qui était toujours assis non loin d’elle sur sa chaise tout en avalant une gorgée de vin. Ce qu’elle venait de dire n’était que la pure vérité : d’un côté, elle appréciait de voir que l’homme s’inquiétait pour elle, car cela était une raison de plus pour qu’elle cesse de faire confiance à son intuition première le concernant (celle selon laquelle il pourrait faire partie du groupe aux idées extrêmes), mais elle détestait également cela, car elle n’aimait pas être considérée comme étant une chose fragile pour laquelle il fallait s’inquiéter à tout bout de champ. Cessant de boire, elle reprit la parole :

« Ne vous en faites pas pour le Directeur de Poudlard... Je ne crois pas qu’il me soit interdit de passer ma soirée ailleurs qu’à Pré-au-Lard, tant que je remplis en temps voulu les tâches que m’incombent mon rôle de bibliothécaire. Puis au pire, il s’en remettra ! Et sachez que je ne vous en veux pas de m’avoir fait quitter aussi rapidement le pub dans lequel je me trouvais... Au contraire, car maintenant, nous sommes seuls. » Elle arrosa cette dernière remarque provocante d’une gorgée de sa boisson, puis elle attendit de voir si le message qu’elle avait voulu faire passer provoquerait la réaction escomptée.

Jerôme avait terminé son verre pendant que la rousse s’adressait à lui. Pendant qu’il affirmait qu’il avait deviné dès le début qu’Emily était seule et que sa question n’était que pure politesse, la jeune femme croisa ses jambes devant elle, déposant son mollet droit contre son tibia gauche et posant la pointe de sa chaussure droite sur le sol. Le bas de sa robe serrée s’était légèrement remonté. Ainsi, au lieu de s’arrêter juste en-dessus du genoux comme elle l’aurait dû, sa robe laissait voir une petite partie de sa cuisse. Elle ne prit pas la peine de la remettre dans sa position initiale, n’en voyant pas l’utilité. Toujours assis sur sa chaise, Jerôme l’observait d’en bas. Emily était en position de force, et elle le savait. Cette situation ne dura cependant pas bien longtemps : après qu’elle eut prononcé sa dernière phrase, il se leva et déclara :

« Vous ne trouvez pas qu'il fait une chaleur insupportable ici ? »

Non. Emily ne trouvait pas qu’il faisait trop chaud, mais elle ne le fit pas savoir au sorcier qui, déjà, ouvrait un bouton de sa chemise. Profitant du spectacle, la rousse avait légèrement tourné la tête pour pouvoir observer l’homme qui s’approchait d’elle du coin des yeux, le tout en buvant tranquillement sa boisson. Elle fut presque déçue qu’il s’arrête en si bon chemin. Son regard resta un instant rivé sur le second bouton de la chemise, comme si elle espérait pouvoir le faire s’ouvrir par la simple force de sa volonté. Retirant lentement le bord du verre à pied de ses lèvres, elle porta l’objet gracieusement dans sa main, relevant finalement ses yeux pour les plonger dans ceux de l'employé du Ministère qui, déjà, reprenait la parole.

« Ou bien je ne tiens plus l'alcool ou bien c'est vous qui me tenez. »

Emily retint de justesse un rire amusé. Elle espérait sincèrement que la seconde proposition soit celle qui reflétait le plus la réalité. Elle aimait plaire : ce n’était pas nouveau. Et même si elle rougissait facilement sous les compliments, elle était moins timide que ce que beaucoup de gens croyaient. Mais cette apparente timidité ne faisait qu’augmenter le plaisir qu’avaient les hommes qu’elle rencontrait lorsque ceux-ci se rendaient compte que leur impression première la concernant était plus qu’erronée. De sa main gauche, qui était libre, Emily ramena en arrière les cheveux qui entouraient son visage. Elle posa ensuite cette même main sur le bord du plan de travail contre lequel elle était toujours appuyée.

« Est-ce que soudainement vous auriez envie de visiter ma ch....armante demeure ? »

Emily s’attendait à ce qu’il parle de sa chambre, mais cette première syllabe n’était en réalité que le début du mot « charmante ». Cependant, quelque chose fit comprendre à la rousse que c’était bel et bien cette-pièce là que l’homme voulait lui montrer en priorité. Laissant un sourire entendu s’inscrire sur ses lèvres, elle laissa la question sans réponse instant, en profitant pour boire une nouvelle gorgée de vin, puis elle fit un pas en avant, quittant sa position et s’approchant de Jerôme afin de réduire la distance qu’il les séparait. Ils étaient désormais à moins d’une dizaine de centimètres l’un de l’autre. S’approchant encore, son verre à pied toujours tenu bien haut par sa main droite, elle posa sa main gauche sur l’épaule de l’homme et déposa son avant bras sur son muscle avant de rapprocher son visage du sien afin de lui murmurer doucement dans le creux de l’oreille :

« Bien sûr... Allons-y... »

Ecartant très lentement son visage du sien, elle ne le quitta pas du regard lorsqu’elle vida en quelques gorgées l’entièreté de la boisson qui lui restait, à savoir la moitié de ce qu’elle s’était servi. Brisant le contact visuel pour se retourner afin de déposer le verre désormais vide sur le plan de travail, elle prit son temps avant de refaire face à Jerôme ; elle aimait se faire désirer. Se retournant alors, elle se rapprocha un peu plus, souriant d’une manière presque invisible. Attardant son regard un très court instant sur les lèvres du sorcier avant de relever ses yeux pour les plonger dans les siens, elle l’invita à passer devant elle d’un gracieux geste de la main droite fait en direction de la porte. Sa main gauche se trouvait toujours sur le haut de son bras. Leurs visages, quant à eux, n’avaient jamais été aussi proches l’un de l’autre, séparés au plus de deux centimètres.

Emily ressentait parfaitement le désir éprouvé par le sorcier aux yeux bleus. Elle avait envie de l’embrasser et de lui ouvrir elle-même les autres boutons de sa chemise, mais elle ne le fit pas. Elle attendait patiemment de voir si l’alcool ne lui avait pas tout fait comprendre de travers. Bien qu’elle en doutait grandement, il était possible que Jerôme ait chaud à cause de l’alcool, qu’il désirait réellement lui faire visiter sa demeure sans arrière-pensée, et qu’il ne soit pas attiré par elle comme elle l’était par lui. Après tout, un malentendu n’était pas impossible après un troisième verre de vin.

La rousse aurait bientôt sa réponse, car déjà l’homme s’était mis en mouvement pour se diriger vers la sortie de la cuisine. En passant à côté de la chaise sur laquelle elle s’était assise peu de temps auparavant, elle attrapa sa cape qui y était encore posée et la posa sur son avant bras gauche. En se déplaçant, elle se rendit compte que l’alcool s’était déjà bien emparée d’elle : ses gestes étaient plus lents qu’en temps normal, et elle ressentait une certaine euphorie et un bien-être inexplicable. Souriant à l’idée de ce qui l’attendait, elle quitta la cuisine et suivit Jerôme dans les escaliers.

En montant, elle dut se concentrer sur le bruit provoqué par ses talons à chacun de ses pas pour ne pas réduire sa cadence de marche. Elle profita d’ailleurs de la vue que lui offrait l’homme qui se trouvait à quelques marches devant elle. Arrivée en haut, elle vit ce dernier s’engouffrer dans une pièce. Elle le suivit et vit qu’il s’agissait de sa chambre à coucher. Un sourire étira ses lèvres : l’alcool ne lui avait donc pas fait comprendre autre chose que ce qu’elle aurait dû comprendre. Debout non loin de la porte, elle contempla le corps musclé du sorcier qui venait de retirer sa chemise.

Jerôme était définitivement bien bâti ; peut-être même plus que ce à quoi s’attendait Emily. Cette dernière ne cessa pas de le scruter lorsqu’il se retourna, attardant désormais son regard sur le torse de l’homme. Très lentement, elle s’approcha de lui et, après avoir déposé d’une main sa cape par-dessus la chemise blanche abandonnée sur le lit, elle réduisit encore la distance qui la séparait du sorcier. Ils étaient désormais aussi proches qu’ils l’avaient été lors de leurs derniers instants passés à l’étage d’en-dessous, dans la cuisine. Ses yeux bleus rivés dans les siens, elle déposa doucement ses mains sur ses larges épaules musclées.

Juste avant qu’elle s’approche de lui, l’homme avait annoncé qu’il était désolé, mais que le reste de la maison était « strictement interdit au public ». Cette remarque avait eu le don de faire sourire de plus belle la rousse. Comme souvent, elle n’avait pas répondu immédiatement, même s’il est vrai qu’elle aurait pu ne rien répliquer à pareille remarque. Maintenant qu’elle était proche de Jerôme, elle fit glisser sa main droite le long de son torse, s’attardant sur ses muscles, et la laissa descendre jusqu’à sa ceinture qu’elle ouvrit d’une main experte, tout en murmurant d’une voix suave, son doux visage relevé vers celui de l’homme :

« On s’en contentera alors... Pour l’instant. »

Elle rapprocha ensuite ses lèvres de celles du sorcier sans pour autant l'embrasser. Moins d'un centimètre les séparaient, mais elle tenait à ce que cette distance soit parcourue non pas par elle, mais pas Jerôme. Allez savoir pourquoi, mais c'était pour elle comme une assurance que ce qui était de toute évidence sur le point de se passer entre eux était consenti par le brun. Emily ne faisait pas confiance à son intuition lorsqu'elle était alcoolisée, et cet entêtement à ne pas vouloir prendre pour acquis l'attirance pourtant manifeste du sorcier en était une preuve parmi tant d'autres. C'est donc sur le point d'ouvrir le bouton du pantalon de Jerôme qu'elle attendit son feu vert.

C’était la deuxième fois de la soirée que Jerôme posait sa main sur la jeune femme. La première, c’était lorsqu’il avait transplané avec elle. Cette seconde fois était bien différente, et bien plus agréable aussi. Sa main gauche glissait dans son dos, cherchant de toute évidence à trouver la fermeture éclaire bien cachée. La main libre de l’homme vint se poser sur la hanche d’Emily et... Ils s’embrassèrent. Fermant ses paupières presqu’au moment même où le sorcier ferma les siennes, elle profita de ce baiser qui ne ressemblait en rien à ceux qu’elle avait connus jusque là. Comparé aux autres, il y avait, dans cet échange, bien plus de fougue et de tendresse ; ce qui était étrangement contradictoire, mais terriblement appréciable. Etait-ce parce que Jerôme était plus expérimenté que les conquêtes passagères qu’avait accumulées la sorcière ? Ou était-ce parce qu’elle n’avait jusqu’alors pas trouvé chaussure à son pied ?

Embrassant toujours Jerôme, la rousse ouvrit le bouton et la fermeture éclaire du pantalon de celui-ci, puis elle remonta ses mains pour en poser une sur le bord de son visage et l’autre derrière sa nuque. Sentent de l’air dans son dos, Emily en déduisit que le brun avait fini par trouver la fermeture de sa robe et l’ouvrir. L’homme rompit leur baiser et, lentement, la rousse rouvrit les yeux. Un sourire plein d’envie se dessina sur les lèvres de la rousse. Elle baissa alors ses bras pour faire tomber sa robe à ses pieds, puis elle laissa ses mains frôler le torse de Jerôme avant de se poser sur ses flancs. Elle n’était désormais plus que vêtue de ses sous-vêtements, qui étaient aussi noirs et aussi élégants que la robe qui venait de lui être enlevée. Elle portait encore ses escarpins à talons, mais elle n’y prêta pas attention.

De ses mains, elle obligea Jerôme à reculer jusqu’à ce que ses jambes rencontrent le bord du lit. Là, elle posa ses mains sur son torse et continua à le pousser pour qu’il s’asseye, et ce, sans briser le contact visuel qui s’était établi entre eux. Ils se dévoraient littéralement du regard. Remontant ses mains jusqu’aux épaules du sorcier, Emily le força à allonger le haut de son corps et elle posa ses propres genoux sur le matelas, de part et d’autres du corps de l’homme. Elle le contempla un instant tout en caressant son visage de ses deux mains. Ensuite, elle se pencha, l’embrassa d’abord tendrement, puis avec un peu plus de fougue, et se permit même de lui mordiller momentanément sa lèvre inférieure. Sa chevelure rousse entouraient leur visage tel un rideau. Une fois l’échange terminé, elle se redressa, ramenant d’une main ses cheveux en arrière.

Un sourire aux lèvres, elle leva sa main à la hauteur de son visage et claqua des doigts pour donner plus de chance de réussite au sort qu’elle désirait lancer sans sa baguette. Sa volonté était telle qu’elle y parvint : les chaussures et les chaussettes de Jerôme lui furent retirées et s’envolèrent à quelques mètres de là. Petit imprévu dû aux fortes émotions ressenties par la sorcière : le pantalon de l’homme fut également propulsé vers l’avant, forçant au passage les jambes de son propriétaire à se lever momentanément. Le point positif de cet imprévu était qu’au moins, maintenant, Jerôme ne portait plus qu’un seul bout de tissu. Fière de son coup et de sa position de supériorité, Emily leva des sourcils satisfaits et lança un regard au sorcier pour lui faire comprendre que, maintenant, c’était à lui de montrer de quoi il était capable...

Et il le fit : il lui montra de quoi il était capable, agissant avec vitesse et précision. Il s’était emparé d’elle et l’avait fait basculer afin de l’allonger sur le lit. En un rien de temps, il avait pris les rênes de leur petit jeu. Emily n’aurait pas su dire si l’homme était doué naturellement ou par expérience, mais ce dont elle était certaine, c’était qu’aucun jeune avec qui elle avait eu jusqu’ici la « chance » de jouer n’arrivait à la cheville de Jerôme. Ivre de vin et de désir, la bibliothécaire ne se débattit pas lorsque le sorcier l’attacha à l’aide d’un sortilège. Ne pouvant plus se servir de ses mains, elle était désormais complètement à sa merci.

Pour des raisons évidentes, la suite des événements ne vous sera pas détaillée. Sachez simplement que, de mémoire, cette nuit fut de loin la plus incroyable pour Emily. Elle avait même, vers la fin, versé quelques larmes qu’elle avait réussi à cacher aux yeux de l’homme. Pour quelle raison ? Elle l’ignorait. Etait-ce dû à un surplus de bien-être ? A une félicité sans pareille ? Elle-même n’aurait su dire. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle avait été, pour la première fois de sa vie, parfaitement comblée et satisfaite. Les deux amants s’étaient paisiblement endormis dans le plus simple appareil, Emily glissée dans les bras musclés de Jerôme.


Cela faisait une dizaine de minute déjà que la rousse s’était réveillée. Toujours enlacée par l’homme, elle avait dû soulever son bras pour se défaire de son emprise et quitter le lit. Elle avait ensuite remis son bas de sous-vêtement, puis elle avait récupéré ses baguettes à cheveux qui se trouvaient dans la poche de sa cape désormais au pied du lit, non loin de la chemise que Jerôme avait portée la veille. Après une courte hésitation, elle s’était emparée du vêtement blanc de l’homme et l’avait enfilé, refusant de remettre immédiatement sa robe noire. C’est ainsi peu vêtue qu’elle avait quitté la pièce sur la pointe des pieds.

Elle avait ensuite cherché la salle d’eau de la maison et l’avait rapidement trouvée après s’être trompée et avoir fait irruption dans ce qui était de toute évidence un bureau. Arrivée devant la glace, elle avait ramené sa chevelure en un chignon bancal qu’elle avait fait tenir de ses deux baguettes à cheveux. Une fois cela fait, elle avait retroussé les manches longues de la chemise jusqu’en-dessous de ses coudes et elle avait entrepris de retirer le surplus de son maquillage qui avait quelque peu coulé. Ensuite, elle s’était rendue dans la cuisine, veillant sur le chemin à ne pas faire craquer une marche en descendant l’escalier. Elle était aussi discrète qu’un courant d’air.

Tout en entrant dans la cuisine, elle avait fermé trois boutons de la chemise trop grande pour elle. Désormais, elle se trouvait face au frigo qu’elle venait d’ouvrir, et le parcourait de son regard bleu. Elle avait besoin de réhydrater sa bouche qui était asséchée par l’alcool de la veille. Son choix s’arrêta sur un jus de fruit. Refermant la porte du frigo, elle s’approcha du meuble dans lequel elle croyait se souvenir que les verres se trouvaient. Le premier étage ne contenant que des verres à vin, elle dut se mettre sur la pointe des pieds pour réussir à toucher un verre du bout des doigts. Sans ses talons, elle avait perdu quelques centimètres qui lui auraient été bien utiles dans cette situation.

Après quelques secondes d’acharnement, tentant en vain d’attirer à elle un verre, elle abandonna. Soupirant, elle se retourna et s’approcha de la chaise sur laquelle Jerôme s’était installé la veille. Elle monta et... bascula en arrière. Sa main se referma sur la seule chose qui se trouvait à proximité, à savoir : un verre. L’objet la suivit dans sa chute. Si elle avait eu sa baguette en main, elle aurait pu stopper sa dégringolade ou, au moins, la ralentir.... Mais... Elle ne l’avait pas. Elle l’avait laissée à l’étage, dans l’une des poches de sa cape. Le stress et la surprise étaient tels qu’elle n’avait aucun moyen de se concentrer pour lancer un sort sans baguette afin d’éviter un atterrissage violent et... imminent.

Lorsqu’Emily tomba, elle retint un cri de douleur : son poignet s’était étrangement tordu lors de sa chute. Elle n’avait pas voulu crier pour ne pas réveiller l’homme qui dormait sans doute encore à l’étage, mais cette bonne initiative n’avait pas de sens au vu du boucan qu’avait provoqué le verre en se brisant à côté d’elle. Sa tête ayant violemment heurté le sol, elle mit une bonne minute avant de retrouver ses esprits. Se redressant, elle resta assise sur le sol froid, observant son poignet douloureux dont émanait une chaleur anormale. Ce qu’elle s’était fait ne semblait pas être trop grave... Sans doute qu’un simple Episkey suffirait à apaiser la blessure.

A l’étage, des bruits se firent entendre, rapidement suivis de pas dans l’escalier. Comme elle le redoutait, Jerôme avait été sorti de son sommeil. Ravalant un soupire, elle tourna la tête pour observer l’homme qui apparaissait déjà dans le cadrant de la porte, les sourcils froncés. Il ne portait qu’un seul vêtement, ce qui n’était pas pour déplaire à la rousse. Cette dernière s’apprêtait à expliquer ce qu’il s’était passé lorsque le regard du brun se posa sur elle. Elle referma la bouche en comprenant que la voir vêtue de sa chemise perturbait grandement l’homme. Etait-il agacé ou attiré ? Emily n’en savait rien, et elle préféra rester silencieuse.

« Ne devriez-vous pas être... partie ? » lui demanda-t-il après avoir envoyé les bouts de verre dans la poubelle.

Sur ce point, il n’avait pas entièrement tort : la rousse n’était jamais restée jusqu’au petit matin chez les hommes qu’elle avait fréquentés, mais cette fois-ci les choses étaient bien différentes : elle n’avait pas d’autres moyens de se rendre là où elle devait aller que par un transplanage d’escorte. N’ayant plus son permis depuis sa rencontre avec le Saule cogneur, la jeune femme dépendait des autres sorciers, des cheminées, des balais, ou de ses propres ailes, lorsqu’elle se transformait en buse. Elle avait cependant l’impression que toutes ces dernières options qui s’offraient à elle n’allaient pas lui permettre d’arriver à l’heure à Poudlard.

Même si la manière dont la question avait été posée avait été sans doute mûrement réfléchie pour ne pas froisser Emily, cette dernière ne pouvait s’empêcher d’être étonnée. Ses sourcils se relevèrent légèrement, attestant de sa stupéfaction. Elle n’avait pas pensé au fait que l’homme puisse ne pas vouloir la voir au petit matin. Après la tendre nuit emplie de fougue qu’ils avaient vécue, elle s’était naïvement attendue à ce que la matinée se passe de la même manière. Jerôme avait apparemment compris que sa question n’avait pas été bien reçue, il s’approcha d’elle, main tendue, et demanda :

« Besoin d'un coup de main ? »

Emily avait besoin de plus qu’un coup de main ; elle avait besoin qu’il la ramène au moins à Pré-au-Lard. Sans doute par fierté, la rousse refusait d’avouer à l’homme qu’elle ne savait plus transplaner. Elle devait donc lui donner envie de la ramener. Pour ce faire, elle ne pouvait pas simplement se permettre de réagir comme elle l’aurait sa doute fait si elle avait été capable de se débrouiller seule : en se relevant sans aide et en allant sans un mot chercher ses affaires et se changer pour s’en aller. Non... Elle devait agir beaucoup plus intelligemment.

Acceptant l’aide de l’homme, elle se releva tout en veillant à garder son poignet douloureux le plus immobile possible. Une fois debout, elle attrapa de sa main droite l’avant-bras de Jerôme et releva son bras très lentement tout en se retournant. Désormais dos à lui, elle se blottit dans ses bras, appuya sa tête contre le haut de son torse, et elle fit glisser ses doigts le long de son bras pour déposer sa main sur celle du sorcier qui tenait la baguette. Comme le ferait une enseignante aidant un élève à lancer un sort, elle lança, via la main de Jerôme, le sortilège adéquat.


« Episkey... » murmura-t-elle. Se retournant ensuite, elle fit glisser ses mains le long des bras de Jerôme et, les déposant sur les bords de son visage, elle l’observa un instant avant de dire : « Je suis navrée d’être restée... C’est juste qu’un... ». Elle marqua une courte pause puis prononça une expression dans un français tinté d’un charmant accent british : « un petit je ne sais quoi... » et elle poursuivit dans sa langue première tout en faisant glisser ses mains sur le torse dénudé de l’homme : « ...m’a retenue près de vous. Mais de toute évidence, je devrais m’en aller. »

Sur ce, elle se défit de l’étreinte dans laquelle elle s’était glissée et qu’elle avait pour ainsi dire forcée. Se dirigeant vers la sortie de la cuisine, elle veilla à rendre sa démarche aussi sensuelle que possible ; ce qui n’était pas bien complexe pour une femme ayant eu l’occasion de défiler sur un podium. S’arrêtant dans l’encadrement de la porte, elle jeta un regard par dessus son épaule, défiant l’homme de ses yeux. Il n’était pas bien complexe de comprendre où la rousse voulait en venir par ses paroles et ses agissements, mais si Jerôme ne se montrait pas plus emballé que cela par sa proposition à peine cachée, elle n’insisterait pas et irait chercher ses affaires à l’étage.

La bouche de Jerôme déclara une chose qui n’était pas en conformité avec ce que ses yeux avouaient. Il avait envie, contrairement à ce qu’il avait dit, de répondre par l’affirmative à cette proposition à peine cachée : la jeune femme le voyait dans son regard, et elle n’avait aucune raison de ne pas croire en ses yeux aussi performants que ceux d’une buse. Qu’est-ce qu’il pouvait bien avoir de si pressant pour ne pas pouvoir accorder encore une petite demi-heure à la rousse ? Après tout, si elle ne l’avait pas réveillé en tombant, il serait sans doute encore en train de dormir, alors autant profiter de leur état éveillé pour passer un peu de leur temps allongés, non ? C’était ce genre de question qui traversaient l’esprit de la rousse tandis que l’homme montait les marches de l’escaliers.

Il venait de lui annoncer qu’il allait chercher ses affaires à l’étage et qu’il la raccompagnerait à Poudlard. Cela faisait un souci en moins auquel penser : celui concernant la manière dont elle allait devoir rentrer au Château. Mais voilà que maintenant, elle était frustrée. Le fait était que Jerôme semblait être emballé par l’idée... Alors pourquoi l’avoir refusée ? Emily avait encore une heure devait elle avant de devoir pointer le bout de son nez à la bibliothèque, et d’ici là, elle comptait bien s’amuser encore un peu. Après avoir suivi du regard l’homme qui montait les marches d’escalier, elle retint un soupire : il était vraiment bien foutu, pour un quarantenaire. Rentrant à nouveau dans la cuisine, elle attrapa la bouteille presque vide de jus qu’elle avait délaissée sur le comptoir et alla s’installer non pas sur une chaise, mais sur la table.

Perdant toute bonne manière, bien trop frustrée et prise par ses réflexions, Emily ouvrit la bouteille et but en quelques gorgées le reste de son contenu. Elle apprécia le liquide frais qu’elle sentait passer dans sa gorge. Tout en buvant, elle réfléchissait à la manière dont elle pouvait obtenir ce qu’elle voulait. En bonne Serdaigle qui se respecte, elle observa de près toutes les perspectives qui s’offraient à elle. Se souvenant d’un détail, elle descendit de la table, alla jeter la bouteille dans la poubelle et quitta la cuisine. En montant les escaliers aussi discrètement qu’un coup de vent, elle défit l’un des trois boutons fermés de la chemise blanche qu’elle portait. Arrivée devant la porte de la chambre, elle retira ses baguettes à cheveux et ébouriffa sa chevelure pour lui redonner du volume.

Poussant le panneau de bois, elle entra dans la pièce dans laquelle l’homme était occupé à se recoiffer. Elle remarqua que ses affaires avaient été rassemblées et posées au bord du lit. Déposant ses baguettes à cheveux dans la poche de sa cape, elle fit volte-face, regardant un instant l’homme qui s’était rhabillé. Sachant désormais ce qui se cachait sous les vêtements, un faible sourire se dessina sur ses lèvres. Faisant comme si de rien était, elle s’approcha de lui de sa démarche aérienne. S’arrêtant à ses côtés, elle s’adossa contre l’armoire et entreprit de défaire les deux derniers boutons de la chemise blanche qui ne lui appartenait pas. Avec un regard des plus innocents, elle écarta les deux parties du vêtement tout en veillant à garder sa poitrine dissimulée, quoique facilement imaginable.

« J’avais une question... » commença-t-elle par dire tout en penchant légèrement sa tête sur le côté. « Pourriez-vous me dire comment vous vous êtes fait cette blessure ? » demanda-t-elle ensuite en pointant l’endroit approximatif où elle pensait que se trouvait la cicatrice qu’elle avait vue la veille. S’abaissant, elle attrapa la ceinture de Jerôme qui gisait non loin de là et se redressa, tenant l’objet d’un seul doigt qu’elle avait passé dans la boucle. Elle tenait la ceinture bien en évidence, presque à la hauteur de son visage. L’innocence qu’elle affichait contrastait fortement avec la lueur qui brillait au fond de ses yeux. « Ou vous pourriez aussi me faire taire, et ne pas avoir à répondre à ma question... » lâcha-t-elle finalement avant de faire passer ses dents supérieures sur sa lèvre inférieure encore hydratée par le jus qu’elle avait bu.

La règle était simple : soit il lui répondait sans mentir à ce qui lui était arrivé, et au vu de le blessure, il devait s’agir d’un accident de travail qu’il n’avait sans doute pas l’autorisation de dévoiler, soit il lui offrait encore un peu de son temps. Emily ne demandait pas grand chose : juste un « Au revoir » digne de la soirée qu’ils avaient passée ensemble. Maintenant qu’elle avait la confirmation qu’il la ramènerait, elle voulait avoir celle qui lui ferait comprendre qu’il n’allait pas l’oublier de si tôt. En effet, la rousse était bien décidée à ne pas mettre fin au jeu qui venait, à ses yeux du moins, tout juste de commencer. Pour quelle raison ? Tout simplement parce que Jerôme était de loin le meilleur coup qu’elle ait eu de sa vie.

Le fixant toujours de son regard d’une innocence insolente, Emily voyait bien que Jerôme était en pleine réflexion. Il y avait tellement de scénarios possibles et différents que la rousse ne put en imaginer que quelques-uns. Le brun pouvait pas exemple répondre à sa question par un mensonge. Ou alors lui dire la vérité qui s’avérerait être bien loin de ce qu’avait imaginé la jeune demoiselle. Il pouvait aussi lui répliquer que rien ne l’obligeait à satisfaire l’une ou l’autre des options qu’elle lui proposait, et il aurait eu entièrement raison de réfléchir de cette manière-là. Mais au final, Jerôme prouva une fois de plus que les hommes n’étaient pas du genre à étudier les situations avec leur cerveau, et encore moins dans un cas comme celui-ci, au plus grand plaisir d’Emily.

« Vous l’aurez cherché... » finit-il par dire.

En effet, elle l’avait cherché, et elle l’avait plutôt bien trouvé : elle avait fini par obtenir exactement ce qu’elle voulait... L’homme avait retiré sa chemise tout en s’approchant rapidement d’elle, puis il lui avait arraché la ceinture toujours suspendue à son doigt avant de la plaquer contre l’armoire. Au final, Jerôme ne devait pas être aussi oppressé par sa présence qu’il avait semblé l’être en la découvrant dans la cuisine. Le sorcier retira la chemise que portait Emily : cette dernière le laissait faire sans montrer la moindre résistance. Après tout, ce n’est pas comme si elle avait envie d’en montrer une. Et même si elle l’avait voulu, qu’aurait-elle pu faire face à cet homme qui la surplombait de sa hauteur et qui l’avait coincée contre un meuble ? Pas grand chose...

Lorsqu’il posa sa main sur sa poitrine, elle sentit ses propres doigts se crisper légèrement contre le bois du meuble. Si elle s’était trouvée sur une couverture, elle l’aurait très certainement serrée de toutes ses forces. Elle s’apprêtait à bouger l’une de ses mains pour la poser sur l’homme et ainsi profiter de la faire glisser sur sa peau particulièrement douce quand elle fut à nouveau paralysée... Jerôme caressait son cou du bout de sa langue. Fermant les yeux pour mieux savourer l’instant, Emily sentait ses jambes être sur le point de se dérober sous elle. Etait-elle en train de rêver ? Si c’était le cas, ce rêve était bien agréable. Remontant toujours plus haut, le sorcier s’arrêta à la hauteur de l’oreille de la rousse. C’est lorsqu’il prit la parole que la jeune femme rouvrir ses paupières.

« J'ose croire que ça ne vous déplait pas d'être sous mon emprise. »

En effet, cela ne lui déplaisait de loin pas. On pouvait même dire que cela lui plaisait. Aucune de ses précédentes conquêtes ne s’était montrée si entreprenante. Pour Emily, ne pas avoir le choix était palpitant. Lorsqu’elle sentit que l’homme lui attrapait les mains pour les lui attacher dans le dos, la rousse le laissa faire. Elle ne retint pas un gémissement lorsqu’il serra une ultime fois le lien qui entravait désormais ses mains. Etait-ce dû au plaisir ou à la douleur ? La réponse aurait pu étonner certains : c’était un mélange des deux. Une agréable douleur... Emily fut surprise de la rapidité avec laquelle Jerôme parvint à faire un noeud avec la ceinture : c’était à se demander combien de fois au cours de sa vie il avait effectué pareille manoeuvre.

« Osez. » lâcha-t-elle en réponse à ce qui venait de lui être murmuré.

L’unique mot prononcé par la bibliothécaire pouvait être compris de diverses manières. Il pouvait par exemple s’agir d’une provocation signifiant « Osez croire ce que vous voulez croire, vous êtes bien loin de la vérité. », mais il pouvait tout aussi bien s’agir de sa manière à elle de donner son consentement à Jerôme pour qu’il lui fasse tout ce qu’il souhaitait lui faire. Le ton sur lequel elle avait prononcé le verbe laissait penser que la deuxième option était celle à privilégier... Emily incitait bel et bien l’homme à profiter d’elle autant qu’il le désirait. Le fait d’être coincée entre le sorcier et l’armoire permis à la rousse de soulever ses jambes de terre pour cramponner l’homme sans risquer de tomber. Sa bouche désormais à la même hauteur que celle du brun, elle put sans peine l’embrasser, d’abord tendrement, puis avec fougue.

Le fait que les deux sorciers se vouvoient toujours malgré ce qu’ils avaient vécu la veille et ce qu’ils s’apprêtaient de toute évidence à revivre donnait aux événements un aspect surréaliste. C’était à croire qu’ils ne se connaissaient toujours pas, alors qu’ils avaient pourtant eu bien du temps pour observer l’autre sous tous ses angles. Mais que savaient-ils réellement l’un de l’autre ? Bien peu de choses, et sans doute était-ce mieux ainsi. Est-ce que l’un des deux, voire les deux, avaient des sentiments pour l’autre ? Peut-être. Peut-être pas. Quoiqu’il en soit, Emily rompit le baiser tout en exerçant une tendre pression de ses jambes, donnant par la même occasion un bref coup de hanche presque imperceptible, puis elle rouvrit ses paupières afin de dévorer du regard le sorcier.