Bureau

"Jamais."

Kathleen se demandait ce qu'elle avait bien pu faire pour mériter une convocation de la part de Selene Corvinus, la semi-vampire qui lui servait de Professeur de Défense contre les Forces du Mal. Depuis son retour à Poudlard, la rousse avait réussi à ne jamais se retrouver dans la même pièce que cette... Femme. Sauf pendant les cours, bien évidemment, parce qu'elle se devait d'y assister, mais elle ne lui avait jamais adressé la parole en dehors des fois où elle avait été personnellement interrogée. Kathleen vouait une haine profonde, et presque injustifiée, envers les êtres et les sorciers-hybrides. C'est donc avec une simple volonté qu'elle se rendait au rendez-vous qui lui avait été fixé : celle d'écourter au maximum l'entretien.

Son but était simple : aller dans le bureau de Selene, écouter ce qu'elle avait à lui dire puis s'en aller. Elle ne savait pas du tout ce qui avait poussé la Professeur à la convoquer, mais elle imaginait que cela avait éventuellement quelque chose à voir avec le dernier devoir qu'elle avait rendu. Il avait probablement été considéré comme médiocre par la semi-vampire, car même si Kathleen n'avait qu'une seule volonté (celle de sortir au plus vite du système scolaire), elle n'allait pas devenir une élève modèle du jour au lendemain. Ses années d'absence à l'école se faisaient sans doute ressentir dans certains de ses devoirs.

La jeune demoiselle était passée dans son dortoir pour se changer. Elle était donc vêtue d'un simple jeans, d'un ample haut gris et d'une fine veste en cuire pour la protéger des vents froids qui parcouraient certains couloirs du Château. A ses pieds, elle avait mis de simples baskets noires. Elle arriva rapidement au deuxième étage, s'approchant du bureau où elle devait se rendre. Elle était pile à l'heure. La porte était déjà ouverte. Son visage aussi inexpressif que d'habitude, elle se planta dans l'encadrement de la porte et, comme pour faire bonne figure, elle toqua contre le panneau de bois tout en pénétrant d'un pas dans la pièce.

"Vous vouliez me voir ?" demanda-t-elle d'une voix froide même si elle connaissait déjà la réponse à sa question.

Si Selene l'invitait à entrer et fermer la porte derrière elle, elle le ferait sans discuter. Elle s'installerait même en face de la semi-vampire, si elle y était invitée, car elle ne voulait qu'une chose : passer le moins de temps possible dans la même pièce qu'elle. Bien évidemment, elle ne laisserait pas le dégoût qu'elle ressentait pour son interlocutrice s'afficher sur son visage, ni même apparaître au fond de ses yeux. Elle avait réussi à le cacher jusque-là, ce n'était pas pour finalement craquer et faire ainsi part de ses idéaux politiques. Kathleen savait très bien qu'elle devait se contenter de faire profil bas, tant qu'elle était à Poudlard, et qu'elle pourrait, par la suite seulement, librement exprimer ce qu'elle pensait.

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"Jamais."

Kathleen n'attendit pas pour faire ce qui lui était demandé. Elle s'était donc rapidement installée face à la semi-vampire après avoir fermé la porte derrière elle. Hésitant un instant à retirer sa veste en cuire, elle finit par la garder. Premièrement parce qu'elle ne comptait pas s'éterniser dans ce bureau, et deuxièmement parce qu'il n'y faisait pas très chaud. Après avoir pris une profonde inspiration, elle hocha la tête, montrant par ce geste à Selene qu'elle n'attendait que de savoir quelles étaient ces "nombreuses choses" qu'elle avait mentionnées.

"Miss Sherwood, j'ai été mise au courant de votre état de santé et de ce qui s'est passé l'autre soir. Je souhaiterais connaître les détails selon votre point de vue, je n'ai pas encore consulté le médicomage, je devrais le voir bientôt."

Bien qu'elle soit connue pour être, extérieurement du moins, aussi stoïque que son Occlumens de mère, Kathleen ne put pas s'empêcher de froncer les sourcils face à cette annonce. Elle commença par ouvrir la bouche, s'apprêtant à répondre, mais elle la referma. Plissant très légèrement ses yeux, elle tenta de comprendre par elle-même ce qu'il se passait. N'y parvenant pas, elle lâcha tout en penchant légèrement sa tête sur le côté :

"Pourquoi iriez-vous parler avec Sam ? Et qu'est-ce que mon état de santé peut vous fou.... faire ? Vous n'êtes pas ma mère !"

Elle avait reformulé à la dernière seconde ce qu'elle s'apprêtait à dire pour ne pas rendre sa prise de parole trop vulgaire, mais le fond du message était clair : Kathleen n'avait aucunement l'intention de se confier à un membre de personnel, et encore moins à une semi-vampire. Se rendant compte que sa réaction était peut-être un peu trop virulente, elle se força à reformuler afin de ne pas passer la nuit à subir les remontrances de Selene :

"Je veux dire... Que le fait qu'un Professeur autre que l'infirmière, Miss Quigley, me questionne sur ma santé m'étonne quelque peu. Mais pas autant que l'entretien que vous allez avoir avec Sa... Heu... Monsieur Walker."

Cette fois-ci, elle s'était retenue d'appeler Sam par son prénom. Bien que les personnes travaillant à l'Hôpital sachent pertinemment que le médicomage et sa patiente se comportaient comme chien et chat et qu'ils se lançaient des piques à longueur de temps (du moins, quand Kathleen n'était pas en train d'agoniser), pareille familiarité pouvait sembler étrange à une personne de l'extérieur. Les yeux rivés sur Selene, Kathleen attendit d'avoir des réponses à ses questions, bien qu'elle n'ait elle-même pas répondu à ce qui lui avait été demandé.

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"Jamais."

Kathleen ne comprenait pas. A vrai dire, elle ne comprenait rien. Si elle avait eu un Directeur de maison, en quoi le fait qu'elle ait fait un aller-retour à Sainte-Mangouste pouvait lui importer ? Certes, elle n'était plus sous la garde de personne, étant un électron libre depuis plus de deux mois. L'adolescente rejoindrait, durant les vacances scolaires où elle ne pouvait pas rester au Château, un foyer d'hébergement pour mineurs qu'elle avait déjà côtoyé à plus d'une reprise, lorsque les familles chez qui elle était ne voulaient plus d'elle. Elle n'y avait jamais passé énormément de temps. Bien évidemment, si une famille acceptait de l'accueillir sous son toit, elle n'aurait pas à aller dans ce foyer, mais elle doutait que le ministère trouverait quelqu'un qui accepterait son dossier d'ici la fin de son année scolaire.

En entendant qu'elle n'obtiendrait pas sa réponse immédiatement, Kathleen s'offusqua. On lui demandait de parler d'elle, lui avouant qu'une raison valable se trouvait derrière tout cela, mais on refusait de lui expliquer les choses. Inconsciemment, elle se mit à hocher très légèrement sa tête en signe de négation, son corps faisant comprendre avant même qu'elle ne prenne la parole qu'elle ne comptait pas répondre à cette question. Selene avouait même comprendre qu'il n'était pas simple de parler de soi à une personne extérieure, alors pourquoi insistait-elle ? Il avait fallu plus d'un an à Sam pour commencer à obtenir un semblant de réponse de la part de Kathleen, alors ce n'était certainement pas une semi-vampire qui parviendrait à la faire parler après une minute seulement.

"Je n'ai rien à vous dire. Je ne vous confierai pas mon point de vue sur cette situation, ni sur aucune autre situation d'ailleurs. Je ne vous dois rien. Si vous n'avez rien d'autre à ajouter, j'aimerais bien retourner dans ma Salle Commune."

La Serpentard avait parlé sur un ton calme qui laissait cependant paraître l'agacement qu'elle commençait peu à peu à ressentir. Si elle avait de son plein gré coupé les liens avec ses parents, ce n'était pas pour qu'une personne sortie de nulle part se mette à se comporter avec elle comme si elle était sa fille. Kathleen préférait rester tel un loup solitaire ; loin des autres. Elle n'avait besoin de rien ni personne (ou du moins, c'est ce qu'elle pensait !). Se levant de sa chaise, elle fit comprendre par ce geste qu'elle était sur le point de s'en aller. A moins, bien évidemment, que Selene ne lui fasse part de cette "excellente raison" qu'elle avait mentionnée. Restant debout devant le bureau du Professeur de Défense contre les Forces du Mal, elle attendit d'être autorisée à sortir, tentant d'éviter une sanction quelconque en s'en allant tout de suite.

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"Jamais."

En entendant son Professeur lui dire qu'elle partirait uniquement lorsqu'elle le lui dirait, Kathleen pencha légèrement sa tête sur le côté, plissant ses yeux clairs comme pour tenter de découvrir à quel petit jeu jouait la semi-vampire qui lui faisait face. Elle avait su, jusque là, faire profil bas pour ne pas se faire renvoyer de l'école, mais il ne fallait pas non plus jouer avec ses nerfs en pensant qu'elle acquiescerait à tout ce qui lui était dit par les figures d'autorité de l'école comme un bon petit toutou. Bien que son regard soit très clairement calculateur, ses yeux ne laissaient en rien voir ce à quoi elle était en train de penser.

Comme si elle pensait délier la langue de la rousse en lui offrant de quoi se sustenter, Selene sortit un panier rempli de brioches. L'élève les ignora royalement, s'apprêtant à faire demi-tour. La Professeur avait dû comprendre qu'elle ne resterait pas si elle ne lui avouait pas la raison de sa convocation, car elle lui annonça presque immédiatement après qu'elle était sa nouvelle tutrice. Le visage de Kathleen ne laissait rien entrevoir. Ni surprise, ni bonheur, ni rage, ni tristesse : rien. Elle continuait de fixer son interlocutrice comme si elle attendait encore qu'elle lui explique ce pour quoi elle était là. Un long silence s'installa.

"Jamais." lâcha finalement Kathleen qui était restée debout et qui s'était contentée de glisser ses mains dans les poches de sa veste en cuir. "Jamais je ne viendrai vivre chez vous. Je ne mettrai pas un pied dans votre demeure, que ce soit pendant les vacances d'hiver ou celles d'été. N'espérez pas non plus en apprendre plus sur mon état de santé... Vous raconter ce qu'il s'est passé l'autre soir revient à vous faire part de mon passé, et il m'a semblé comprendre que vous ne vouliez pas me questionner à ce sujet. J'enverrai une lettre au médicomage en charge de mon dossier pour lui faire part de ma volonté... Je ne veux pas qu'il vous révèle la moindre information me concernant. S'il ne respecte pas mon choix, je ne me montrerai plus aussi coopérative que je l'ai été ces derniers temps, et cela peut s'avérer très problématique pour la suite de mon traitement. Si vraiment vous êtes dans une situation que vous ne voulez pas vivre, Miss, je vous libère de vos devoirs de tutrice : ignorez-moi, ne cherchez pas à en savoir plus sur ma santé, ne me forcez pas à vivre sous le même toi que vous et tout ira bien."

Tout du long, Kathleen avait parlé dans un quasi-murmure. Extérieurement du moins, elle semblait être étonnamment calme. C'en était presque impensable ! Pour ceux qui l'avaient connue lors de ses premières années de traitement, ils auraient trouvé moins étrange qu'elle se fâches, qu'elle se mette à hurler puis à envoyer valser le panier rempli de brioches. La douceur du ton qu'elle avait employé contrastait avec le caractère catégorique de ses paroles. Toujours debout, droite, immobile, elle attendit le verdict de Selene.  

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